• "Vous l'avez trouvée où  ?"

    "Dans le jardin de ma tante. Je m'étais procurée un livre pour pouvoir la reconnaître. Il ne faut pas la confondre avec la carotte sauvage bien sûr . Et vous ? "

    "Plus classique : le domaine est infesté de souris, il y avait plusieurs flacons de mort-aux-rats sur l'étagère de la resserre !"

    "Oui, c'est efficace aussi"

    "Ca a mis beaucoup de temps pour vous ?"

    "Quelques mois, j'en mettais très peu, il fallait que ça passe inaperçu, vous comprenez ?"

    "Comme moi ! Une mystérieuse maladie qu'ils ont dit, ha ha !"

    "Si j'osais... j'ajouterais  que l'avantage, dès les premiers jours, c'est qu' il était tellement souffrant qu'il me fichait enfin la paix !"

    "Comme vous dites ! Le mien avait de ces coliques qui le tenaient éveillé toute la nuit !"

    "Ah ? Le mien c'était plutôt le dos, les reins quoi"

    "Pauvre Albert... ce n'était pas un mauvais bougre mais tellement ennuyeux.."

    "Oui, et après tout, vu leur âge, on n'a fait qu'hâter un peu le choses, hein ?"

    "Exactement ! Parce qu'après tout, nous, pendant ce temps, on vieillit aussi !"

    "C'est ce que je me suis dit ! Nous leur avons donné nos meilleures années, la fleur de notre jeunesse .  Et Constantin ne m'attendra pas toujours ! Beau comme il est , avec toutes ces filles qui lui tournent autour !"

    "Moi je n'ai personne. Non merci. Déjà que j'ai cru mourir dix fois en engendrant celle-ci ! Plus jamais. Je veux être tranquille. Je suis riche à présent. J'irai à l'Opéra, au théâtre, je mettrai de belles robes, dès que je pourrai décemment abandonner ces tenues de deuil. Tiens ! J'irai aux réceptions de Madame de Beaugencie. Elle n'arrêtait pas de nous inviter mais Albert détestait tous ces chichis comme il disait. Le Tout Paris s'y retrouve paraît-il. J'ai hâte !"

    " Mais dites-moi, ma chère, la petite ne nous écoute pas au moins ?"

    "Elle ? Pensez ! La pauvre petite est retardée, pas plus de cervelle qu'un moineau ! J'ai trouvé une Institution, dès qu'elle aura l'âge je la placerai. Elle y sera mieux."

    "Certainement".

     


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  • Il m'avait promis une maison à colonnades, avec une entrée donnant sur un escalier monumental, un grand salon, une salle à manger de belle taille, une cuisine spacieuse pour que les employées de maison ne s'y gênent pas, des chambres en abondance à l'étage, chacune avec sa salle de bain et un grenier sous les toits avec deux ou trois chambrettes pour les domestiques.

    Il m'avait parlé d'une cheminée pour l'hiver et d'une piscine pour l'été, et d'un écran géant pour la télévision. Pour lui il voulait un billard pour lorsqu'il recevrait ses nombreux copains lors des fêtes et des garden-party que nous donnerions très souvent.

    Il m'avait fait miroiter un grand jardin paysagé avec un bassin pour les poissons rouges, avec des nénuphars. Il sait que j'aime ces plantes aquatiques.

    Il m'avait dit que nous aurions un gros chien. Nous l'avons eu mais comme la nationale est au bout du terrain il s'est fait écraser par un camion une semaine après notre arrivée.

    Son album allait  marcher, c'était certain : puis il enchaînerait les tubes que les radios se disputeraient et ses fans s'arracheraient ses cd dès leur sortie. Il donnerait des interviews et serait invité à la télévision. Il m'avait prévenue : il ne fallait pas que je me montre jalouse si quelques groupies excitées faisaient le siège du studio d'enregistrement où lui et ses musiciens répéteraient . C'était le prix de la gloire.

    Ah, répétait-il, il allait leur montrer à tous ces loosers qui se moquaient de lui lorsqu'encore adolescent il gratouillait sa guitare dans son coin ! Il allait leur clouer le bec à ceux qui le traitaient de glandeur et de fainéant ! Ils en seraient verts de jalousie  !


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  • Quoi ! Mais.... C'est la bague qu'il m'a offerte l'autre jour ! Oui c'est elle, je la reconnais d'autant que cette bijouterie se trouve dans sa rue.

    Comme c'était romantique... il m'avait invitée au restaurant. Bon un restaurant chinois, j'aurais préféré mieux mais c'est de ma faute je lui avais dit que j'adorais la cuisine asiatique, il a voulu me faire plaisir. Et au dessert, je ne sais pas comment, il a réussi à glisser cette bague sous les nougats chinois que j'avais commandés.

    "Ohhhhhhh Philippe..qu'elle est belle, cette pierre verte et ce diamant ! "

    "Ma chérie, elle est assortie à tes beaux yeux, c'est une émeraude,  ma future femme mérite tout ce qu'il a de plus beau !"

    Et il m'a embrassée. J'ai eu l'impression que les poissons bizarres dans l'aquarium nous regardait , en tout cas le serveur n'en perdait pas une miette.

    Mais ce que je ne comprends pas là..cette bague qui ressemble tellement à la mienne...quatre-vingt euros seulement. Je veux en avoir le coeur net !

    (dring)

    "Bonjour Monsieur, cette bague en vitrine, c'est bien la même que celle-ci à mon doigt ?"

    "Bonjour Madââme . Oui, exactement ! Je pense que c'est même celle que nous avons vendu la semaine dernière ."

    "Un monsieur d'une quarantaine d'années, qui perd un peu ses cheveux sur le devant ? "

    "Oui c'est cela, je m'en souviens très bien. Il a eu un peu de mal à se décider, nous avons tant de choix !"

    "Mais, dites-moi, c'est bien une émeraude sur le dessus ? Et un petit diamant ?"

    "Voyons Madââme, à ce prix là, vous n'y pensez pas  ! C'est un jaspe vert. Mais...d'une jolie nuance n'est ce pas ?"

    "Et le diamant ? "

    "Ha ha ha !  Excusez-moi. C'est de l'oxyde de zirconium. Très ressemblant on s'y tromperait"

    "Mais...heu... le corps de la bague... il  est bien en or ?"

    "Plaqué, Madââme, plaqué. Pour les bijoux en or véritable, 18 carats, vous avez ces deux vitrines-là. Bien sûr ce n'est pas le même budget... C'est ce que je me suis permis de suggérer au Monsieur : on offre plutôt ces articles, jolis au demeurant, n'est ce pas, pour une communion, une réussite aux examens, en général ce sont les parents qui viennent. Ce Monsieur avait l'air si...heu ..."établi". Quarante ans que je fais ce métier, j'en ai vu défiler, je vous prie de le croire, je sais reconnaître un costume de marque et j'avais aperçu sa voiture qu'il avait garé devant.  D'ailleurs, je me souviens maintenant,  il m'a alors expliqué que c'était pour sa petite nièce ! J'ai trouvé ça bien gentil"

    "Gentil ? Il va avoir de mes nouvelles !"

    (dring)

     

     


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    - Ce sont les restes de son repas ?

    - Oui

    - Vous avez trouvé ça comme ça ?

    - Oui. Je n'y ai pas touché. Je n'ai pas pu...

    - Vous étiez où ? Vous n'avez pas déjeuné avec lui ?

    - Non, jamais le jeudi. Je fais le ménage chez Madame du Breuil. Je suis revenue à quinze heures comme d'habitude.

    - Il ne range jamais ?

    - Si. Il range. C'est pour ça que ça m'a étonnée. Je l'ai cherché dans la maison . Depuis le temps qu'il ne sort plus, j'ai pensé qu'il était quelque part, peut être devant la télé.

    - Et quand avez-vous commencé à vous inquiéter ?

    - Quand je vous ai appelé.

    - D'après ce que vous m'avez dit votre mari n'a pas mis le nez dehors depuis six mois et tout d'un coup, de toute évidence puisque vous ne le trouvez nulle part, il est sorti et vous attendez plus de trois heures pour appeler la Police ?

    - Je ne sais pas... Je me suis assise. Il y a beaucoup de travail chez Madame du Breuil, elle a une grande maison, cette fois-ci elle m'a fait cirer les escaliers. Je crois que je me suis endormie... Mon Alphonse n'arrête pas de se lever la nuit, le bruit me réveille et après je mets du temps à me rendormir.

    - Qu'est ce qu'il a votre mari ? Une dépression ?

    - Il paraît , c'est ce qu'ont dit les docteurs. Depuis les mauvaises récoltes, il a fallu vendre les dernières vaches,   j'ai dû aller faire des ménages, il faut bien payer les factures.... Peu à peu il a aussi arrêté de faire le potager. J'ai essayé mais c'est trop de travail avec tout ce que j'ai à faire déjà. Alors on finit par acheter des légumes, vous vous rendez compte ?

    dring dring !!

    - Excusez moi Madame Leblanc . Oui ? Où ça ? Comment ? Ah...Bon. D'accord. Ok, oui. J'arrive ...
    Madame Leblanc, vous avez des enfants ?

    - Non. Mon Alphonse il n'en voulait pas. J'étais jeune, j'aurais dû insister..

    - De la famille dans le coin ?

    - Oui j'ai ma soeur au village !

    - Madame Leblanc, prenez mon téléphone et appelez la. Dites lui de venir.  Tout de suite !

     


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    Je suis inquiète. Ils ont parlé de la tempête du siècle, peut être même un cyclone si les vents se renforcent. Au moins Léa ne pleure plus. Jean a dit qu'il valait mieux aller se mettre à l'abri dans l'église. Elle a traversé les siècles. Les anciens savaient construire. Il  pense que notre maison moderne ne tiendra pas. Dans quel état vais-je tout retrouver ? Est ce que j'ai bien fermé le volet de la chambre de Tom ? J'ai un doute...C'est encore loin, y arriverons nous à temps ?

     

    Depuis presque une heure que nous marchons, Léa a beau être petite, elle finit par peser. Je ne comprends pas pourquoi ils ont interdit de prendre les voitures ? Enfin elle ne pleure plus ! 
    Je n'ai pas eu le temps d'appeler mes parents, ma mère va encore me le reprocher,  j'espère qu'ils se seront mis à l'abri. On n'entend même plus les oiseaux chanter. Ils savent eux. C'est glaçant ce silence. Il faut que nous marchions plus vite !

     

    J'en ai marre de marcher comme ça à travers champs. Heureusement que Léa a arrêté de pleurer ! Mes mocassins vont être fichus c'est sûr. Mon père voulait que je mette mes bottes, mais pour avoir l'air d'une campagnarde non merci ! Mais j'ai les pieds trempés. Si je chope un rhume je ne vais pas pouvoir aller à la piscine avec John samedi, zut... D'ailleurs il est où John en ce moment ? Sûrement tranquillement dans sa maison lui, le veinard et pas à crapahuter dans la boue comme nous ! Quelle idée a eu Papa, une église, c'est pas là-bas qu'on va se réchauffer !

     

    J'ai peur. Papa marche très vite et si je traîne il se fâche. Je voulais emmener Puppy mais Maman n'a pas voulu. Au moins Puppy n'aurait pas braillé comme Léa, lui, qu'est ce qu'elle nous a cassé les oreilles cette peste ! Qu'est ce qu'il va devenir si la maison s'effondre ? Est ce que je vais retrouver mes jouets au retour ? J'ai oublié de rentrer mon vélo dans l'appentis comme Maman me l'avait dit. Je voudrais rentrer à la maison, je suis fatigué.

     

    L'imper de Papa gratte. Mais ça sent bon. Ca sent Papa. Et je sens la main de Maman sur mon dos. C'était pas bien de pleurer comme ça, je suis une grande fille, pas un bébé. Je ne sais pas pourquoi on est sorti de la maison, il fait si froid, je voudrais faire dodo, mais je ne dois pas le dire, je dois être une bonne petite fille. Je suis bien dans les bras de Papa mais  j'ai sommeil.


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