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    Devoir de Lakevio du Gout_68.jpg

    Cette toile de Pissaro vous inspire-t-elle ?
    Je l’espère…
    Le mieux serait que vous commençassiez ce devoir par :
    « Il semble que ce qui vous pousse brusquement à la fugue, ce soit un jour de froid et de grisaille qui vous rend encore plus vive la solitude et vous fait sentir encore plus fort qu’un étau se resserre. »
    Et que vous le terminassiez par :
    « Je vais laisser cette lettre en suspens… »
    Ce serait vraiment bien, je vous assure.

     

    Il semble que ce qui vous pousse brusquement à la fugue, ce soit un jour de froid et de grisaille qui vous rend encore plus vive la solitude et vous fait sentir encore plus fort qu'un étau se resserre. Car c'est d'une forme de solitude dont souffre Céline car l'on peut se sentir très seule même à deux.

    le froid  est mordant ce lundi de février sur les quais de Seine. Qu'est ce qu'elle y fait d'ailleurs ? Ce n'est pas son chemin pour rentrer chez elle.! Elle s'est déjà écartée de son parcours habituel qui la mène de la banque où elle travaille à l'appartement du dix-huitième arrondissement où l'attend Henri. Le bel Henri qu'elle a tant aimé. Autrefois. Avant. Maintenant il l'insupporte avec son air perpétuel de chien battu, ses angoisses de la page blanche lui qui se pique d'être écrivain mais qui n'a jamais rien réussi à publier jusqu'à présent. Heureusement qu'il y avait son salaire à elle pour payer les factures !

    Elle l'aurait retrouvé devant un jeu vidéo, il dirait qu'il venait de s'y mettre mais à ses yeux hagards et fatigués elle saurait qu'il jouait depuis des heures; Pire qu'un enfant , le charme en moins !

    Puis il aurait bredouillé de vagues excuses sur l'état de l'appartement et sur l'absence de repas préparé, toujours avec son air désolé. Est ce que ce n'était pas de la manipulation ?

    Hé bien non ! Pas ce soir ! Elle en a assez ! Pour commencer ce soir elle dort chez sa copine Emma. Elles vont refaire le monde, du moins leur monde, devant un petit repas soigné, accompagné par un bon vin.
    Après il faudra prendre une décision, se débarrasser du " boulet", il trouvera vite une autre bonne poire pour l'entretenir et, de poire en poire, atteindra tranquillement l'âge de la retraite sans avoir jamais travaillé ! Il y a tant de bonnes âmes prêtes à vénérer un artiste incompris !

    Mais plus moi, se dit Céline, j'ai déjà perdu cinq ans de ma vie, c'est assez !

    Emma l'accueille avec enthousiasme, Céline se débarrasse de ses escarpins qui lui font mal aux pieds, surtout après la marche le long de la Seine, et va s'installer sur le divan devant une table basse surchargée de mets appétissants. Après le froid glacial de l'extérieur la douce chaleur de l'appartement d'Emma lui procure une impression de détente délicieuse.

    "Tu l'as prévenu ?" demande Emma

    "Je lui ai envoyé un texto : "Ne m'attends pas, ce soir je ne rentre pas, lettre suit..."

    "Et ? "

    "Et ? Et bien... je crois que je vais laisser cette lettre en suspens..."


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    Mais c'est pas vrai !!

    J'ai perdu l'odorat !   Tout à l'heure Corinne m'a tendu la petite "change la, s'il te plait, je suis fatiguée" ( elle a de la fièvre depuis ce matin) "Mais elle n'a pas l'air d'en avoir besoin ? " " Quoi ? Tu ne sens pas ? " Mais non je ne sens pas. Je ne sens plus rien du tout !

    J'ai prévenu le Directeur. Il m'a dit : "restez chez vous, je vais faire tester les enfants de votre classe" et moi qui n'ai pas fini le programme d'histoire... Déjà trois classes qui sont fermées. Dans un sens ça arrange le Directeur puisque à la cantine ils sont tous atteints. C'était compliqué pour faire manger les enfants. Enfin, ceux qui restent, ils ne sont plus qu'une dizaine par classe.

    Et dire que nous avons vu mes beaux-parents dimanche pour l'anniversaire du petit ! Ils étaient contents de venir. Ils se sentent seuls, la plupart de leurs amis sont soit décédés, soit hospitalisés. J'espère que nous ne les avons pas contaminés !

    Je ne sais pas comment nous allons faire: le supermarché est fermé, tout le personnel est malade. Et pour aller à l'autre du quartier c'est compliqué, il n'y a plus beaucoup de bus qui circulent, ils manquent de conducteurs pour les faire circuler.

    Depuis qu'ils ont décidé de ne plus confiner l'épidémie se répand à grande vitesse. Tout ferme, pas par mesure gouvernementale mais parce qu'il n'y a plus personne pour faire tourner la machine et si la ville est déserte c'est parce qu'ils sont tous au lit, ou pire...

    Je commence à avoir mal à la tête, et des frissons "Corinne ! Où est rangé le thermomêtre ?  Corinne ! " "Maman est au lit et Eva pleure, elle doit avoir faim " "Eva ? Oui, dis moi mon grand tu sais où se trouvent les biberons ? Tousse dans ton coude, Edouard, on te l'a déjà expliqué ! Va demander à Maman combien de mesures de lait "

    Bon, faire le biberon, la changer après, prévoir un dîner pour ce soir, même si je n'ai pas du tout faim, des pâtes ça ira bien, il doit bien y avoir de la sauce tomate quelque part.. ah et sortir le chien, depuis combien de temps il n'est pas sorti ? "Edouard , Maman a sorti le chien quand elle est rentrée du travail ? Edouard le téléphone, réponds s'il te plait il faut que je m'occupe d'Eva ! C'était qui ? " "La voisine de Papi et Mamie, ils ont été emmenés à l'hôpital"


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    Heureusement que j'ai apporté ce journal parce qu'autrement... qu'est ce que je m'ennuierais ! Il aime que je l'accompagne à la pêche. D'ailleurs il aime que je l'accompagne partout. Depuis que nous sommes mariés il n'est plus que la moitié d'un tout. Il ne peut plus rien faire seul . C'est dingue.... Je fais des efforts. Là par exemple , au lieu d'être confortablement installée chez moi, je vais sûrement me faire piquer par des bêtes ou attraper un coup de soleil. Je ne comprends pas l'intérêt de fixer pendant des heures ce satané bouchon ! Ni son enthousiasme lorsqu'il attrape un malheureux poisson qu'il va torturer pour lui enlever l'hameçon ! Et je ne parle pas des asticots, pouahhhhh. Mes bottines vont être pleine de terre et le bas de ma robe tâché. En plus ces poissons ont un goût de vase, même le chat n'en veut pas.
    Ma mère m'a toujours dit qu'il fallait partager les intérêts de son mari. Mais je n'aime pas la pêche, je n'aime pas les voitures et la mécanique et je n'aime pas les courses de chevaux. Est ce qu'il s'intéresse à mes lectures lui ? A mes aquarelles ? Il râle lorsqu'il s'agit de m'accompagner au théâtre et baille ostenciblement dès la moitié de la représentation. Pourquoi est-ce à sens unique ? Un jour je vais finir par lui dire que ses parties de pêche et ses canassons me rasent et que je rêve d'autre chose !

    Trois ablettes en à peine une heure, ça promet ! C'est si agréable ce coin de verdure avec la rivière qui coule paisiblement à nos pieds et les chants des oiseaux qui ravissent nos oreilles. On ne peut pas être mieux qu'en ce moment, avec ma chérie à mes côtés qui lit. Elle est tellement intelligente! Quel beau couple nous formons, une telle communion de pensées et d'affinités. Elle adore venir avec moi et moi je suis content de lui offrir ce plaisir et ce lieu enchanteur. Ah je ne suis pas de ces hommes qui abandonnent leurs femmes en toute occasion pour aller s'amuser. Ma chérie et moi, nous partageons tout. C'est ainsi que je conçois le couple : jamais l'un sans l'autre. Elle serait perdue sans moi, pauvre petite, réduite à ses pauvres passe-temps solitaires. Mais je ne suis pas un égoïste, par exemple elle s'est entichée -ça lui passera sans doute très vite- d'aller voir des pièces de théâtre. Hé bien j'ai accepté, disons une fois par mois, de l'y accompagner même si c'est un supplice. Je me console en me disant qu'à l'entracte il m'arrive de croiser des gens importants et que cela peut me servir . Mais quel ennui....


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  • devoir de Lakevio du Goût_63.jpg

    Si quelqu'un passait devant cette grande maison et qu'il levait les yeux vers la façade, à condition de ne pas être trop gêné par le masque et la buée sur ses lunettes,  il verrait que devant chaque fenêtre se tient quelqu'un qui contemple le vide de la rue..

    Mais ça n'arrivera pas : personne ne passera. Entre le confinement strict et le couvre-feu, oui cette fois-ci il y a les deux, aussi bizarre que cela paraisse, c'est ceinture plus bretelles, on n'est jamais trop prudent !

    Et si tout de même quelqu'un passait, je doute qu'il se donnerait la peine de lever les yeux. Muni de ses diverses attestations, il se hâterait vers les magasins autorisés à vendre des denrées essentielles puis rentrerait vite chez lui, peut être pour se mettre aussi à la fenêtre et contempler le désastre.

    Mais on peut rêver. Donc un passant passe qui n'a rien à faire de spécial dehors, donc en totale infraction. Ce passant s'arrête et se tourne vers la façade de l'immeuble divisé en plusieurs appartements.

    Au rez-de-chaussée gauche une vielle dame a poussé son fauteuil devant la fenêtre, on devine qu'elle est assise, bien calée, confortablement installée. Il faut ça à cet âge pour éviter les douleurs et parce qu'elle y reste une bonne partie de la journée à guetter le bout de la rue, l'endroit où l'on sort de la bourgade, l'endroit par où arrivaient ses enfants lorsqu'ils venaient la voir. C'était avant. Maintenant ils s'en tirent à bon compte : avec un coup de téléphone tous les deux, trois jours. Elle les entend mal et lorsqu' ils raccrochent elle ne sait plus trop ce qu'ils lui ont raconté Ont-ils dit qu'ils allaient venir ? Elle ne sait plus alors elle reste là et elle regarde le bout de la rue par où ils n'arriveront pas.

    Au rez-de chaussée droite c'est un magasin fermé. C'était une librairie. Les livres s'entassent dans la vitrine. Ce ne sont déjà plus des nouveautés. C'est un jeune qui avait ouvert ça, il y avait mis toutes ses économies.

    Au premier étage droite notre passant pourrait voir la lourde silhouette du Père Denis qui jette un coup d'oeil dehors, recule, revient, marche de long en large, ouvre et se penche, referme, s'éloigne pour revenir se coller contre la vitre. Sa vie n'a plus de sens. Il n'existait que pour son bar où les clients venaient boire, ouvert du lever du jour à la nuit. Certains étaient devenus de véritables amis. Maintenant il n'a pour toute compagnie que sa femme qui s'ennuie autant que lui (elle tenait la caisse et n'était pas la dernière à plaisanter avec chacun) et entrechoque de rage des casseroles dans la cuisine, et les gamins privés d'école qui se disputent à longueur de journée.

    Au premier étage gauche notre passant verrait le jeune couple longiligne, souvent un bébé dans les bras contemplant la scène vide et se remémorant les parterres masqués et joyeux des spectateurs qui les applaudissaient il y a quelques mois encore, tapant à se meurtrir les paumes des mains pour compenser l'absence de sourire et les encourager, se levant même pour une standing ovation pour leur montrer qu'ils les remerciaient de venir leur faire oublier tout cela pour quelques heures. Quel accueil ils avaient reçu pendant ce début de tournée brutalement arrêtée du jour au lendemain ! De temps en temps ils relisent leur texte pour ne pas l'oublier, mais de moins en moins souvent. A quoi bon ?

    Au deuxième étage droite il n'y a personne : la famille est dans sa résidence secondaire depuis des mois. Les parents travaillent à distance, les enfants jouent dans le jardin.

    Au deuxième étage gauche la silhouette est menue . C'est Léa, dix ans, enfant unique. Le nez collé à la vitre elle regarde dans la direction opposée de la vieille dame du rez-de-chaussée, vers l'école...

    Au troisième gauche, sous les toits, la silhouette est sombre, notre passant ne peut distinguer qu'un ti-shirt et un pantalon blanc. C'est Mamadou. Toute la famille s'est cotisée pour l'envoyer faire ses études ici. Il n'a pas eu le temps de rencontrer d'autres étudiants, de se faire des amis. Il ne connait personne. Il n'a même plus le courage d'ouvrir ses livres de cours, il n'a qu'aperçu quelques professeurs et tout s'est refermé. Il crève de solitude. Il appelle ses parents une fois par semaine pour leur dire que tout va bien, qu'il travaille. Il n'a même plus son job de plongeur au restaurant de la Pointe. Il ne sait pas comment il va survivre, ses économies fondent même s'il dépense très peu pour se nourrir. Mais le pire c'est de ne pouvoir parler à personne de son âge. Les voisins sont aimables mais rongés par leurs propres galères, comme tout le monde en ce moment.

    Le troisième droite est un appartement spacieux. L'homme qui regarde la rue fume cigarette sur cigarette, c'est pourquoi c'est la seule fenêtre entrebaillée supposera notre hypothétique passant. On voit qu'il est tendu et contrarié et que les brèves apparitions d'une silhouette féminine à ses côtés "mais tu n'as rien d'autre à faire que de bailler aux corneilles devant cette rue déserte ? " l'agacent. Il pense à Rose qu'il retrouvait tous les midis à sa pause déjeuner et souvent le samedi après-midi. Elle aussi cloitrée avec son balourd de mari doit trouver le temps long. Quand cela finira-t-il enfin? Et le bout de la cigarette rougeoie dans l'angle de la fenêtre.

    Passez votre chemin,  Passant ! Il  n'y a rien à voir ici que des regrets, de la solitude et de l'impatience


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    devoir de Lakevio du Goût_58 .jpg

    "Attention ! Elle vient vers nous ! "

    "Oh non ! Quel pot de colle cette fille ! "

    "Elle ne te lâchera pas ! Aussi tu n'as qu'à t'en prendre qu'à toi ! "

    " Je sais j'ai déconné ... j'avais trop bu..."

    "C'est pas malin. Mais moi même saoul je n'aurai pas pu ? "

    "Bah elle n'est pas si mal "

    " Ah oui ? T'as vu sa tronche ?!"

    "Oui, bon, il faisait nuit . Mais qu'est ce qu'elle s'imagine maintenant ? Que je vais l'épouser ?"

    "Ha ha ! C'est Corinne qui serait contente ! "

    "Elle m'arracherait les yeux, on vient de se fiancer"

    "Elle approche, dis le lui "

    "Lui dire quoi ?"

    "Que tu vas bientôt te marier, que ton coeur est pris, ha ha, à défaut du reste "

    "Misère mais qu'est ce qu'elle s'imagine ? Je ne me souviens même plus de cette nuit, juste que je me suis réveillée avec une gueule de bois et que cette mochetée était couchée près de moi et me couvait des yeux. Je me suis sauvé fissa. Si ça se trouve je n'étais même pas en état, je ne l'ai peut être pas touchée ?"

    "Désolé de te décevoir mais elle clame partout le contraire. C'est ce que ma frangine m'a dit"

    "Si Corinne l'apprend elle va m'arracher les yeux !"

    "Je ne veux pas te plomber mais je ne serais pas étonné qu'une fois que tu auras mis les choses au point cette fille se venge de l'humiliation"

    "Elle arrive ! Oh là là ! Mais comment m'en débarrasser sans la vexer ?"

    "Alors là mon Cher, je vais vous laisser tous les deux, en amoureux, ha ha ! Tu me raconteras..."

    "Non Jean, ne pars pas ! Ohhh.... Bonjour Marianne ..."

    "C'est Marisa, pas Marianne"

    "Oh pardon. C'est que... j'avais un peu bu...ton prénom...presque pareil"

    "Pas grave. Paul, je voulais te dire. Nous avons passé une nuit merveilleuse..."

    "Oui mais Marisa..."

    "Laisse moi parler, c'est difficile... Voilà, tu es... heu... je ne voudrais surtout pas te blesser"

    "Me blesser ? Comment ça ? Je n'ai pas assuré ? J'avais peut être un peu trop bu"

    "Non non, ce n'est pas ça, tu as été...très bien, ne t'inquiète pas. Seulement voilà, pour moi c'était une sorte de...de test.. et ça m'a conforté dans mon être profond : je préfère les femmes"

    "Ah ??? Mais il parait que tu racontes partout ce qui s'est passé entre nous".

    "Autant profiter de l'occasion pour faire taire les rumeurs, ça m'évitera certaines embûches, tu sais que j'ai des ambitions politiques...surtout un beau mec comme toi, je n'ai pas si souvent la possibilité, je ne plais pas beaucoup en général..."

    "Mais que va penser ma fiancée ? "

    "Il a une fiancée ! Hé ben.. je la plains ! Je ne sais pas moi, promets lui de ne plus boire ? Sur ce je vais y aller, restons bons amis, c'est ce que tu voulais me dire n'est ce pas ? Au revoir Paul "

     

    "Alors Paul comment ça s'est passé, pas trop dur ? "

    "Ah Jean, tu n'étais pas loin apparemment, non ça a été. Bon ça lui a fait un coup, bien sûr, que veux tu... Mais elle a compris. Nous resterons bons amis"

    "Elle n'a pas été déçue ? Vexée ? "

    "Sûrement très déçue oui mais elle a été courageuse, elle ne peut que se rendre compte..."

    "Hé bien tu as de la chance, j'espère que Corinne sera aussi compréhensive ! "

    "Corinne ? Oh là là ...."


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