•  (je jeu de Lakévio)

     

    paul rafferty

     

    Ils sont déjà là, ils m'attendent. Comme convenu en haut de l'escalier. Ca leur permet de voir loin et de surveiller que je n'ai pas été suivie ou accompagnée. En même temps à six heures du matin il n'y a pas grand monde dans la rue, ils sont malins.

    J'ai peur. Je serre contre moi la malette pleine de billets. Ca n'a pas été simple de réunir cette somme en liquide. Et me voici endettée pour le reste de ma vie.
    Je n'arrive plus à avancer. Je tremble. J'ai peur de lire dans leurs yeux qu'ils m'ont bien eue et que jamais ils ne me rendront Lucas. C'est ça qui me fait le plus peur : qu'ils rigolent en prenant l'argent ou même qu'ils me le disent. Mon Dieu...

    IL n'y a personne dans cette ville, elle est vide. Je suis seule au monde avec ma peur. Plus rien n'existe pour moi à part les mots qu'ils vont prononcer là, dans quelques minutes, lorsque je leur remettrai la malette. Ma vie tient à ça. S'ils me disent qu'il est mort j'irai me jeter sous le métro. Direct.

    Je n'en ai parlé à personne. C'est ce qu'ils m'avaient ordonné "si vous voulez revoir votre fils". Et puis si j'en avais parlé, à ma mère, par exemple, elle m'aurait dit d'appeler la Police. Tout le monde m'aurait dit ça.

    Comme il doit avoir peur mon petit garçon, pourvu qu'ils ne lui aient pas fait de mal, juste enfermé quelque part en attendant de me le rendre. En tout cas il n'est pas avec eux là, je ne vois pas d'enfant. Peut être dans une voiture non loin et ils vont le laisser sur le trottoir en démarrant ?  Oh ce serait tellement merveilleux...

    Bon il faut que j'y aille. S'ils m'attendent ça risque de les mettre de mauvaise humeur. Je crois qu'ils sont trois. Respirer profondément, avancer, un pas après l'autre. Six nuits que je n'ai dormi qu'avec des somnifères, je vois à travers un brouillard. Ma vie se décide dans deux cent mêtres, Lucas mon amour...

    "Vous êtes en retard !  Le compte y est ?"

    "Oui, je...."

    Il m'a arraché la malette et ils s'engouffrent dans une grosse voiture qui vient de s'arrêter juste devant nous. Quatre donc. Ils démarrent en trombe. Ils ne m'ont rien dit. Pas un mot. Quelques voitures passent, un ou deux piétons se hâtent vers le travail. Je regarde par terre, ils ont peut être laissé un mot ? Où est mon fils ? La tête me tourne, j'ai envie de vomir, il commence à pleuvoir et je reste là, sous la pluie, en haut de cet escalier c'est le seul endroit que nous ayons en commun eux et moi. A part mon numéro de téléphone qu'ils ont trouvé dans le cartable du petit lorsqu'ils l'ont enlevé à la sortie de l'école. Ma  mère avait raison je n'aurais jamais dû le mettre dans cette école privée rempli de gosses de riches, mais rien n'était trop beau pour mon Lucas. Ca a été sa perte, notre perte.

    Il ne reviendra pas. Je sais ce qu'il me reste à faire, j'ai trop mal, ce n'est pas supportable, je ne peux pas vivre sans lui.

    (dring...)

    C'est peut être eux ? Que vont-ils m'annoncer ?

    - Madame Brament ?

    - Oui

    - Mathilda De Bonsavoir, Directrice du Cours Cluny. Je suis au regret, Madame, de vous demander de venir chercher votre fils. Tout de suite ! Nous sommes, Madame, un Etablissement de tout premier plan avec une exigence de tenue et de correction. Madame nous ne pouvons pas accepter votre fils ce matin dans un tel état de crasse et de débraillé, en plus il a l'air malade et tient des propos incohérents. Déjà que faisait il bien avant l'heure, sous la pluie devant le portail, pensez à l'image de l'Ecole, ce n'est pas un refuge pour miséreux ou je ne sais quoi !  Je suis désolée mais je ne suis pas certaine que nous puissions le garder après cet incident regrettable...."

    - Je vous en prie, gardez le encore une vingtaine de minutes, j'arrive tout de suite ! Dites lui que sa Maman arrive et que nous allons repartir à la maison et dites lui que je l'aime ! Oh je suis tellement heureuse !!!

    - Mais enfin, Madame ...?


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  • Darren Thompson

     

    "Tu as l'intention d'y aller ? "

    "Pas très envie mais comment faire autrement ? "

    "Franchement elle nous enquiquinne avec ses mariages ! C'est le troisième quand même ! "

    " C'est son boulot ! "

    " Mais non elle ne travaille pas ! "

    "Mais si ! C'est du boulot de se dégotter un vieux riche, si possible sans enfant, qui a le bon goût de mourir rapidement. Je t'assure qu'elle gagne plus que si elle faisait ses 35 heures ! "

    "Ok le premier, il avait dépassé les quatre-vingt mais le deuxième non "

    "Mais voyons, il était très malade ! A croire qu'elle a écumé un hôpital pour le trouver !"

    "C'est exact ! Elle m'avait dit qu'elle l'avait rencontré lorsqu'elle était au chevet du premier à la clinique. Je me demande comment va être le troisième ..."

    "Nous le saurons samedi ! Tu as remarqué les faire-part sont de plus en plus grands et luxueux !"

    "Ben tu as vu la salle qu'ils ont réservé ? Le grand luxe !  Il va falloir que je m'achête une nouvelle robe, ça va faire des frais, plus le cadeau.. avec Jérome au chômage et mon petit salaire..."

    "Oui et tu as vu qu'il y a des rumeurs de licenciement dans notre Service ? C'est pourquoi nous ne partons pas cette année, les enfants iront au Centre Aéré et voilà tout."

    "Il en dit quoi Gérard ? "

    "Gérard il est aigri. Le travail de nuit ne lui réussit pas, il n'arrive pas à récupérer dans la journée . Alors il est à cran. On n'arrête pas de se disputer. Devant les gamins en plus ! "

    "C'est comme Jérome, il ne veut pas le reconnaître mais je pense qu'il fait de la dépression. Il voit tout en noir, il me plombe. Je t'avoue, parfois, j'en ai marre. J'ai l'impression que seule je m'en sortirais mieux. Et ce qui m'énerve c'est qu'après ma journée lorsque je rentre, il n'a rien préparé, rien fait, même pas vidé une machine, il doit passer son temps devant la télé. Nous aussi on ne va pas partir pour les vacances, on ira juste chez ses parents, en Creuse. "

    "Celle qui s'en sort bien c'est Josiane !  Elle t'a dit qu'ils partaient aux Seychelles pour leur voyage de noce ? "

    "Oui. Franchement je me demande si ce n'est pas elle qui a raison ? Tu te souviens, elle nous le disait au Lycée qu'elle n'avait pas l'intention de galérer toute sa vie et d'épouser un gagne-petit."

    "Quand j'ai décroché mon diplôme elle a rigolé : "tu vas gagner des mille et des cents avec ça !" et, tu te souviens, elle nous montrait ses jambes en riant : "voici mon diplôme à moi  !"

    "Nous n'étions pourtant pas moches nous non plus".

    "Non."

     

     

     

     


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