•  

    (le jeu de Lakévio)

     

    harold harvey

     

    - " Tu sais quoi ? L'Antoine il a aidé son père  pour mettre le veau au monde ! Moi je suis bien plus vieux qu'lui et jamais Papa il n'a voulu que je l'aide, jamais. C'est pas juste !  J'aurais bien voulu apprendre moi, savoir comment on f'sait. Il faut puisque je veux être fermier plus tard ! "

    - "Tu sais bien que Papa ne veut pas ! Il dit que c'est trop dur , il veut qu'on fasse des études et qu'on aille travailler à la ville"

    - " Mais moi j'veux pas partir ! Et j'aime pas l'école !  Toi c'est ton truc, t'es toujours dans les livres, ça m'étonne même que t'en ai pas un là ! "

    -" J'en ai un dans mon sac "

    -"Ben voilà ! Moi j'aime pas lire, j'aime qu'être dehors, m'occuper des bêtes et j'voudrais conduire le tracteur mais Papa veut jamais ! "

    -" Papa a dit que si tu ne te mettais pas à travailler à l'école cette année, tu irais à l'Usine, comme Oncle Fernand, et que ce serait toujours mieux que la ferme ! "

    -" J'veux pas aller à l'Usine ! T'as qu'à y aller toi !"

    - " Moi je serai institutrice ou secrétaire. Ou docteur.  En ville. Madame Lechot m'a dit qu'avec mes résultats je pouvais tout faire ! Comment ils l'ont appelé le veau ?"

    - "Dominique, ha ha ha ! c'est nul ! C'est Antoine qui a choisi, ça m'étonne pas : quel naze !  Fallait voir comme il frimait à l'école, on aurait dit que c'est lui qui avait tout fait, pfffff Il a même dit qu'un veau c'était bien mieux qu'un bébé, parce que l'bébé y faisait qu'dormir, un veau ça s'met debout très vite".

    - "Le bébé est mignon, j'l'ai vu à la Messe l'autre jour. Moi j'aurais trois enfants. Ou quatre."

    -" C'est nul. Moi c'que j'veux c'est des troupeaux : des vaches, des moutons, des ..."

    -"Tu sais qu'il faudra te lever plus tôt que maintenant, pour la traite et tout ça. Déjà que t'as du mal pour l'école !  Et tu ne pourras pas partir en vacances. Regarde sauf la classe de mer on n'est jamais parti. Moi je veux voir le monde ! "

    - " M'en fiche du monde, j'veux rester ici. C'est  chez moi.


    6 commentaires
  •  ( le jeu de Lakévio)

     

    Presque vingt heures déjà. C'est ça l'été : on termine tard. Il faut finir le champ avant les orages qu'ils annoncent pour demain. Et demain quatre autres à labourer, j'espère que ce sera possible.  J'aime ce moment où le jour baisse, où la chaleur diminue et ce calme,  ce silence qui s'abat, certains oiseaux se taisent  enfin, pas tous,  ça ce sera de courte durée parce que grenouilles et chouettes vont prendre le relais et ce sera un beau tintamarre aussi ! J'aime cet endroit, ma terre, avec la rivière en contrebas, surtout le soir en été, comme maintenant, même si les journées sont longues et qu'il y a toujours quelque chose à finir.
    D'où je suis je vois ma ferme au loin, je distingue même le chien dans la cour, je n'ai pas voulu l'emmener, il course les moutons du champ d'à côté, je l'ai mal dressé. Les gosses le gâte trop.
    D'ici une demi-heure je pense rentrer, la Marie aura fait manger les gamins, peut être elle aussi. moi ce ne sera pas pour tout de suite, il me reste les cochons à nourrir, aller voir la Marguerite, j'ai bien vu pendant que je trayais les vaches tout à l'heure,  elle ne va pas tarder à faire son veau, cette nuit peut-être ? Et aussi l'eau pour la volaille, la Marie n'arrive plus à soulever l'arrosoir si près du terme, le médecin le lui a interdit.  Elle en fait déjà beaucoup, je vois bien qu'elle peine.
    Tiens je me demande laquelle va "mettre bas" la première : cette brave marguerite où ma femme, ha ha ! Si elle m'entendait je suis sûr que ça la fâcherait, pourtant c'est pas méchant. Pour La Marguerite je préfèrerais que ce soit une femelle, depuis la mort de la Noiraude, j'ai une place à l'étable. Pour nous ça m'est égal, on a déjà les deux, mais un gars de plus pour m'aider plus tard quand je serai vieux, je ne dirais pas non.

    Je vois le Père Lenoir, il arrête tout peu à peu. Il loue ses champs, quand il y arrive, pas tous, certains ne sont plus entretenus, ils tournent en prairie. Il s'est débarrassé de son troupeau. Les machines restent dans la grange. Ca doit être un crêve-coeur ! Il lui reste le potager et quelques poules, mais bon. Ah si ! Il s'est acheté deux ânesses, qui ne servent à rien, ça l'occupe ! Et ses vignes, il a dû les vendre ! Pas marrant de vieillir seul, enfin avec sa femme, sans gars pour continuer la ferme. Ils ont bien une fille mais elle est mariée en ville.

    "Papa ! Papa ! "

    "Qu'est ce que tu fais là , Toine ?"

    "Papa, les pompiers sont v'nus, ils ont emmené Maman à l'hôpital et la Marguerite n'arrête pas de meugler, on n'entend qu'elle ! "

    "Tudieu ! Et où est la p'tite ?"

    " J'l'ai donnée à la Mémée pour venir te chercher, mais faut qu'tu viennes, elle arrivera pas à courir après"

    "On y va Toine, aide moi à bâcher le tracteur pour s'il pleut. Va falloir que tu m'aides mon gars. Pendant que j'vais à l'étable, tu couches ta soeur, tu sauras ?"

    "Ouais P'pa !"

    "Je crois qu'ta mère lui met encore une couche la nuit, tu sauras ? "

    "Ouais j'l'ai déjà vu faire ! "

    " Pendant c'temps j'vais à l'étable, faut qu'j'vois si va falloir appeler le véto ou pas, si non va falloir que j'reste sur place. Toi tu restes près de ta soeur et dès qu'elle est endormie tu me rejoins à l'étable, je vais peut être avoir besoin de ton aide, prends le téléphone avec toi, des fois qu'on nous appellerai de l'hôpital  pour le bébé"

    "Dis P'pa, j'avais une idée pour le bébé, je voulais l'appeler Dominique comme mon mono de foot, et puis ça allait pour une fille aussi, mais Maman elle veut pas !"

    "Ecoute, Toine, la Maman c'est elle qui fait le travail, et j'vois bien avec les bêtes, c'est pas une partie de plaisir, alors moi j'dis qu'elle mérite bien d'être celle qui choisit, non ? Et elle a bien choisi pour toi et Perrine non ?"

    "Oui. Mais j'aimais bien Dominique"

    " Hé ben, tu sais quoi, le veau, c'est toi qui choisira ! "

    " Youpi ! J'vais l'appeler Dominique !!!"

    " Ha  ha , ça va rigoler au village ! Mais, ma foi, si ça te fait plaisir, après tout je crois que tu vas devoir m'aider à le mettre au monde et on risque d'y passer la nuit"

    "Comme Maman je l'aurais bien mérité ! "

    "Oui, voilà !"


    6 commentaires
  • (le jeu de Lakévio)

    catherine Klein l

     


    2 commentaires
  • (le jeu de Lakévio)

    115077279

     

    Il m'a mis un message sur Facebook : Jacques, mon amoureux d'autrefois !  Plus de cinquante ans sans nouvelles depuis cette dispute idiote, une histoire de bouquet de fleurs qui n'était pas exactement celui que j'aurais voulu, ce qu'on est bête à vingt ans ! Je ne l'ai jamais oublié mon petit étudiant à lunettes, si charmant avec ses pantalons en velours, ses pulls shetlands et ses clarks ! Nous en avons fait des bêtises ensemble, enfin pour l'époque c'était des bêtises, aujourd'hui on se moquerait de nos audaces, mais nous, nous avions l'impression d'être des précurseurs qui foulions aux pieds la morale de nos ainés  !

    Nous avons vite échangé nos numéros de téléphone et depuis nous nous appelons presque tous les jours. C'est qu'on en a des choses à se raconter ! Cinquante années d'événements, bons ou mauvais ! La mort de mon pauvre André, mes sept petits enfants qui font mon bonheur,  Lui n'a pas eu d'enfant mais une carrière passionnante, il a voyagé partout, ça ne m'étonne pas il en rêvait déjà à l'époque ! Il a même écrit un livre, il va m'en donner un exemplaire.

    Car aujourd'hui nous allons nous voir ! Il m'a invitée à déjeuner . J'ai choisi le restaurant : bien sûr je n'ai pas trouvé celui où nous étions allés à notre premier rendez-vous en dehors de la Fac, il ne doit plus exister,  mais au moins dans la même rue, ça nous rappellera des souvenirs !

    Je suis très émue.

    Je me suis habillée exactement de la même façon qu'à l'époque, j'ai dû aller faire des achats car je n'avais plus ces articles dans mes armoires. Me voici donc en soixante-huitarde...attardée, ha ha ! Mais au moins ces couleurs me donnent bonne mine. Est ce qu'il sera en velours mille raies ?


    16 commentaires
  •  

    (le jeu de Lakévio)

    114932986

     

     

    Ils vont venir me chercher. Je n'ai même pas envie de m'enfuir. A quoi bon ? De toutes façons ma vie est fichue. Elle l'est depuis qu'elle s'est amourachée de ce type, cet abruti. Il n'y a donc pas assez de femmes disponibles pour venir s'en prendre à la mienne ? Pourtant pas une beauté, enfin plus. C'est un peu de ma faute, je le reconnais, depuis que je lui ai cassé le nez. Je n'ai pas fait exprès, je calcule mal ma fureur parfois. Bref son visage, c'est plus vraiment ça. J'ai pas voulu qu'elle aille à l'hosto à l'époque, pas envie d'avoir des ennuis tiens ! Alors ça c'est mal ressoudé, et ça gâche un peu, forcément.

    Faut pas venir me chercher. C'est comme les gamins, ils savent bien qu'il ne faut pas pousser le bouchon trop loin. D'ailleurs ses plus belles raclées c'est quand elle voulait m'empêcher de les corriger, non mais ! C'est qui le père ? Faut bien que je me charge de leur éducation ! Le grand c'est un raisonneur qui a besoin qu'on lui cloue le bec de temps en temps, quand à la petite, une pleurnicharde, y a rien à en tirer ! Dès qu'elle me voit, elle file se réfugier dans les jupes de sa mère, et après on s'étonne que je m'énerve...

    C'est incroyable : je lui avais interdit d'aller traîner en ville. Juste le chemin pour l'école des morveux, aller et retour, et les courses au supermarché. Où elle l'a trouvé son galant ? Derrière les barils de lessive  ? C'est vrai qu'il avait l'air "propre sur lui" , ha ha ! Enfin avant,  parce que maintenant...faudrait pas mal de détachant, ha ha !

    C'est qu'il a eu le culot de venir la chercher à la maison ! En douce elle avait fait ses valises et préparé les gamins, mes gamins !! Elle voulait me les enlever ! Ah ils offraient un beau spectacle, serrés tous les trois sur le palier. Une chance que je sois rentré plus tôt ! Les deux qui se sont mis à brailler comme des ânes, des mauviettes comme leur mère ! Et l'autre qui me prend à partie, qui ose me dire que je dois la laisser partir, que je dois être raisonnable etc ! C'est quand il a parlé d'appeler la police que j'ai vu rouge, depuis quand je laisserais les flics intervenir dans ma vie privée ?

    Alors je les ai zigouillés. J'ai commencé par le bellâtre, ça a été vite fait, un crâne contre une porte blindée, y a pas photo ! Après j'ai rattrapé les autres dans l'escalier, ils essayaient de se tirer !  Alors là très simple : ils sont passés par dessus la rampe, du quatrième étage ça pardonne pas ! Bien sûr les voisins sont sortis, c'est tout l'immeuble qui criait, un boucan d'enfer !  Alors je suis rentré chez moi, aucun n'a osé s'approcher bien sûr, et j'entends déjà les sirènes

    J'aime pas qu'on me manque de respect !


    9 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique